Québec apporte des changements majeurs à la Charte de la langue française : quel est l’impact pour les assureurs de dommages?

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Le 24 mai 2022, l’Assemblée nationale a adopté la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (la « Loi »). Sanctionnée le 1er juin 2022, la Loi introduira une réforme majeure des lois régissant l’emploi du français au Québec, ce qui entraînera des répercussions considérables sur les consommateurs, les entreprises et les professionnels dans toute la province.

Dans cet article, Clyde & Cie identifie certaines dispositions clés de la Loi qui affecteront les obligations des assureurs de dommages envers leurs assurés.

Quel est l’état actuel du droit?

À l’heure actuelle, l’article 55 de la Charte de la langue française (la « Charte ») stipule que les contrats d’adhésion, les contrats contenant des clauses types imprimées et les documents connexes doivent être rédigés en français, sauf si le consentement préalable de l’adhérent a été donné explicitement. Les contrats d’adhésion sont des contrats dans lesquels des stipulations essentielles sont imposées par l’une des parties et qu’elles ne pouvaient être librement discutées.

Bien que la Charte ne vise pas spécifiquement les contrats d’assurance, les polices d’assurance sont généralement considérées comme étant des contrats d’adhésion, où l’assuré est l’adhérent.

Qu’est-ce qui change?

La Loi modifiera considérablement l’article 55 de la Charte. Selon le nouveau texte de l’article 55, les contrats d’adhésion peuvent être rédigés dans une autre langue que le français uniquement si l’adhérent reçoit d’abord une version en français du contrat et exprime ensuite de façon explicite le souhait que le contrat soit rédigé dans une autre langue (article 55 al. 1 de la Charte modifiée).

Jusqu’à ce que la version française du contrat soit remise à l’adhérent et jusqu’à ce que celui-ci exprime le souhait que le contrat soit rédigé dans une autre langue, l’autre partie ne peut ni le faire adhérer au contrat ni envoyer un document se rattachant à ce contrat dans une autre langue que le français (article 55 al. 2).

Dès lors que l’adhérent consent expressément à être lié par une version du contrat dans une autre langue que le français, les documents qui s’y rattachent peuvent être rédigés exclusivement dans cette autre langue.

Enfin, le nouvel article 55 prévoit qu’aucune partie à un contrat d’adhésion ne peut facturer l’autre partie pour le coût de traduction des documents contractuels vers le français (article 55 al. 3).

Qu’est-ce que cela signifie pour les assureurs?

Lors de l’entrée en vigueur du nouvel article 55, les assureurs devront remettre des versions française et anglaise des polices et des documents afférents aux nouveaux assurés avant que ceux-ci puissent choisir la version par laquelle ils souhaitent être liés. Il est donc crucial que les assureurs disposent de versions en français de leurs produits d’assurance, car la nouvelle loi précise que nulle partie ne peut, sans que la version française du contrat d’adhésion n’ait été remise à l’autre partie et que celle-ci ait explicitement exprimé sa volonté à cet égard, faire adhérer l’autre partie au contrat d’adhésion rédigé dans une langue autre que le français.

Y aura-t-il des exceptions?

Oui. Le nouvel article 55 prévoit que certains contrats ne seront pas assujettis au nouveau régime.

Il y aura une exception particulière pour les polices d’assurance qui répondent aux conditions suivantes :

  • elles n’ont pas d’équivalent en français au Québec; et
  • elles proviennent de l’extérieur du Québec, ou leur utilisation est peu répandue au Québec (article 21.5(2) et 55 al. 4(2) de la Charte modifiée).

Les débats parlementaires entourant la Loi laissent entendre que cette exception s’appliquerait lorsqu’une ligne ou un type d’assurance particulier n’est tout simplement pas disponible auprès des assureurs faisant affaire au Québec.

De plus, il y aura une exception pour les contrats qui ne sont pas des contrats d’adhésion, mais qui contiennent néanmoins des clauses types (imprimées ou non). Les polices d’assurance impliquant d’importantes négociations entre assurés et assureurs peuvent ne pas être considérées comme des contrats d’adhésion.

Dans ces cas d’exception, le régime actuel de l’article 55 s’appliquera, c’est-à-dire que les parties peuvent consentir préalablement à être liées par un contrat dans une autre langue que le français, sans qu’une version en français soit d’abord remise (article 55 al. 5 et 6).

Quelles sont les sanctions en cas de non-respect?

La Loi introduit trois types de sanctions en cas de manquement : sanctions pénales, civiles et administratives.

Premièrement, une amende pouvant atteindre 30 000 $ peut être imposée à une entreprise qui ne se conforme pas à un avis de non-conformité délivré par l’Office québécois de la langue française. Les amendes sont doublées dans le cas d’une deuxième infraction et triplée dans le cas d’infractions subséquentes (articles 205 et 206).

Deuxièmement, une partie à un contrat qui contrevient à la Charte peut demander aux tribunaux de résilier le contrat, à condition qu’elle puisse démontrer avoir subi un préjudice en raison de la violation de la Charte (article 204.17). Dans les cas de contrats d’adhésion, le fardeau de la preuve est inversé : il appartiendra à l’assureur de démontrer que l’assuré n’a subi aucun préjudice du fait de la violation (article 204.20). Sinon, l’assuré peut demander des dommages-intérêts (article 204.19).

Enfin, la Loi prévoit des sanctions administratives en vertu desquelles le gouvernement peut révoquer tout type de permis ou d’autorisation de même nature à une personne morale qui contrevient à plusieurs reprises à la Charte (article 204.27).

Pour les contrats qui resteront assujettis au régime actuel, la Loi prévoit que les sanctions civiles et administratives ne s’appliqueront pas à ces contrats en cas de non-conformité à la Charte (article 55 al. 7).

Quand les changements entreront-ils en vigueur?

La Loi a reçu la sanction royale le 1er juin 2022. Les modifications à l’article 55 de la Charte entreront en vigueur un an plus tard, soit le 1er juin 2023 (article 201 de la Loi). Les dispositions relatives aux sanctions en cas de non-respect sont, quant à elles, entrées en vigueur le 1er juin 2022.


La réforme introduite par la Loi est vaste et aura une incidence sur tous les aspects de l’environnement législatif au Québec.

Fin

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