Le projet de loi 8 : vers une nouvelle réforme du Code de procédure civile?

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Le 1er février dernier, le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi 8 intitulé Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec (« projet de loi »). Ce bulletin examine les différents effets de ce projet de loi, s’il est adopté, qui introduira des changements importants à la procédure civile telle que nous la connaissons.

Le 1er février dernier, le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette a présenté à l’Assemblée nationale le projet de loi 8 intitulé Loi visant à améliorer l’efficacité et l’accessibilité de la justice, notamment en favorisant la médiation et l’arbitrage et en simplifiant la procédure civile à la Cour du Québec (« projet de loi »). Ce projet de loi aura pour effet, s’il est adopté, d’introduire d’importantes modifications à la procédure civile telle que nous la connaissons.

À l’époque de la réforme du Code de procédure civile de 2016, le ministre de la Justice, Bernard St-Arnaud, classifiait la réforme comme étant « [u]n virage qui rendra notre système de justice beaucoup plus accessible, plus rapide, moins lourd, moins coûteux tout en faisant appel à de nouvelles façons de faire »[1].

Cette nouvelle réforme s’inscrit dans le même objectif que celle de 2016. Le ministre de la Justice Jolin-Barrette explique que « [l]es Québécoises et les Québécois ont droit à des services de justice efficaces, accessibles, plus rapides et moins coûteux. C’est l’objectif de ce projet de loi »[2].

L’objectif premier de ce projet de loi semble être l’amélioration de l’efficacité et l’accessibilité de la justice au Québec. Plusieurs des changements auront vraisemblablement pour effet de réduire les délais pour les justiciables d’être entendus. Cependant, certains changements pourraient être moins bien accueillis auprès des juristes québécois.

Instruction par priorité

Le projet de loi prévoit dorénavant que tout dossier accompagné d’une attestation d’un médiateur accrédité confirmant que les parties ont eu recours à un mode privé de prévention et de règlement des différends sera instruit en priorité[3]. Le projet de loi demeure cependant silencieux sur ce que représente cette « priorité » et comment elle sera appliquée. À noter que ce changement vise tant les dossiers de la Cour du Québec, que ceux de la Cour supérieure.

Changements procéduraux à la division des petites créances

Un des changements importants apportés par le projet de loi est la hausse du plafond monétaire des dossiers pouvant être entendus devant la division des petites créances de la Cour du Québec. Ainsi, la limite monétaire de cette chambre, actuellement fixée à 15 000 $, sera sujette à une indexation d’au moins 1 000 $ par année en fonction de certains paramètres déterminés par règlement[4]

Alors que le coût de la vie et l’indice des prix à la consommation augmentaient, le plafond monétaire de la division des petites créances, lui, restait au même niveau, et ce, depuis janvier 2015. Il s’agit donc d’un changement particulièrement attendu par plusieurs justiciables.

De surcroît, alors qu’un processus de médiation est actuellement prévu à l’article 556 du Code de procédure civile pour les dossiers des petites créances, cet article serait modifié afin d’y ajouter un processus d’arbitrage, sans aucuns frais additionnels en cas de mésentente entre les parties lors d’une médiation[5].

Enfin, l’adoption du projet de loi viendrait permettre au Tribunal, avec le consentement des parties, de rendre jugement sur le vu du dossier lorsqu’il s’agit d’un recouvrement d’une créance d’au plus 3 000 $[6]. Le Tribunal pourra aussi décider des moyens préliminaires sur le vu du dossier, après l’obtention d’observations écrites des parties, à moins qu’il ne juge nécessaire d’entendre les parties[7].

Compétence de la Cour du Québec

Suivant l’opinion juridique de la Cour suprême du Canada rendue le 30 juin 2021[8], le projet de loi viendra réduire à 75 000 $, sujet à indexation annuelle, le plafond de la valeur en litige pour les dossiers présentés devant la Cour du Québec. À l’heure actuelle, ce plafond est situé à 85 000 $ et attribue une compétence exclusive à la Cour du Québec pour tous les litiges dont la valeur se situe en deçà de cette somme. Le projet de loi aura donc pour effet de créer une compétence concurrente entre la Cour du Québec et la Cour supérieure, et ce, au choix du demandeur, lorsque la valeur en litige se situe entre 75 000 $ et 100 000 $[9].

Simplification des procédures

Un des aspects clés de ce projet de loi est la simplification de la procédure devant la Cour du Québec. Ce faisant, un nouveau titre sera ajouté au Code de procédure civile intitulé : Les règles simplifiées particulières au recouvrement de certaines créances. À noter que cette section ne s’appliquera qu’aux demandes introduites devant la Cour du Québec et dont la valeur de l’objet sera inférieure à 100 000 $. Essentiellement, la compétence concurrente nouvellement créée par le projet de loi semble permettre au demandeur de choisir entre la procédure simplifiée de la Cour du Québec et celle de la Cour supérieure lorsque la valeur en litige se situe entre 75 000 $ et 100 000 $.

Les modifications prévoient, notamment, la disparition du protocole de l’instance[10] ainsi que l’imposition d’une limite de cinq pages pour la demande introductive d’instance[11], de deux pages pour l’exposé sommaire en défense, augmenté à sept si le défendeur se porte demandeur reconventionnel[12]. Des délais précis pour la dénonciation des moyens préliminaires, le dépôt de l’exposé sommaire et la communication des pièces seront imposés[13]. De plus, l’inscription pour instruction et jugement est faite par le greffier au plus tard six mois après la signification de l’avis d’assignation[14].

Le seuil pour la tenue d’interrogatoire oral au préalable sera haussé à 50 000 $[15], ce seuil étant actuellement fixé à 30 000 $ et un seul interrogatoire par partie sera permis[16].

De plus, le projet de loi prévoit que l’origine d’un élément de preuve et l’intégrité de l’information qu’il contient seront désormais présumées reconnues, à moins que l’une des parties ne s’y oppose[17].

Finalement, conformément à la volonté grandissante des juges, l’expertise commune deviendra la norme dans les dossiers où la valeur en litige est inférieure à 50 000 $, à moins d’une ordonnance du tribunal pour permettre le dépôt de plusieurs expertises[18].

Plus de juges

Une augmentation importante du nombre de juges apparaît essentielle pour répondre à la fois aux changements apportés par le projet de loi et à la pénurie actuelle. Le projet de loi vient donc également modifier la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de permettre que les juges soient « nommés parmi les avocats ou les notaires ayant exercé leur profession pendant au moins 10 ans »[19].  

En dernier lieu, le projet de loi prévoit une disposition particulière afin que les dossiers dont la valeur est inférieure à 85 000 $ se poursuivent devant la Cour du Québec, lorsque ceux-ci ont été introduits avant la date d’entrée en vigueur du projet de loi. En d’autres mots, les règles de procédures actuelles continueront de s’appliquer pour ces dossiers[20].

Ce projet de loi en est à l’étape de la présentation et n’est donc pas encore en vigueur. En effet, plusieurs étapes subséquentes devront être franchies en vue de son éventuelle adoption par l’Assemblée nationale du Québec.

 

[1] Conférence de presse de M. Bertrand St-Arnaud, ministre de la Justice : « Le point sur le projet de loi instituant le nouveau Code de procédure civile », 30 avril 2013.

[2] Communiqué de presse, Cabinet du ministre de la Justice et procureur général du Québec : « Pour une justice moins coûteuse, plus efficace et plus humaine », 1er février 2023.

[3] Projet de Loi no 8, art. 2 et art. 7 C.p.c.

[4] Projet de Loi no 8, art. 9 et art. 539.1 C.p.c.

[5] Projet de Loi no 8, art. 13 et art. 556 C.p.c.

[6] Projet de Loi no 8, art. 14 et art. 561.1 C.p.c.

[7] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 539.2 C.p.c.

[9] Projet de Loi no 8, art. 3 et art. 35 C.p.c.

[10] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 535.2 C.p.c.

[11] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 535.3 C.p.c.

[12] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 535.6 C.p.c.

[13] Projet de Loi no 8, art. 7 et arts. 535.4 à 535.6 C.p.c.

[14] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 535.13 C.p.c.

[15] Projet de Loi no 8, art. 6 et art. 229 C.p.c.

[16] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 535.9 C.p.c.

[17] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 535.10 C.p.c.

[18] Projet de Loi no 8, art. 7 et art. 535.15 C.p.c.

[19] Projet de Loi no 8, arts. 30. 32 et 34 et arts. 87, 162 et 248 de la Loi sur les tribunaux judiciaires.

[20] Projet de Loi no 8, art. 39.

Fin

Auteurs supplémentaires:

Dennie Michielsen, parajuriste-recherchiste

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